Tombeau de Jean L’Anselme

Publié le 30 Janvier 2022

Tombeau de Jean L’Anselme

Il est né le 31 décembre 1919, et mort le 30 décembre 2011 !

Mort…  à 91 ans, pour faire « un compte rond » :

(Jean-Marc Minotte, devenu Jean L’Anselme)

J’ai toujours abordé l’homme avec appréhension et précaution, veillant à lui éviter le plaisir d’une raillerie habilement distillée, sans méchanceté, tranquillement, affectueusement pourrait-on croire. Je l’aimais bien, (beaucoup), cet homme. Un jour, dans l’une de ses lettres, j’avais cru voir de la moquerie  alors qu’il ne fallait y lire que de l’amitié. Apprenant qu’il avait été mal compris, il se hâta de s’excuser, et je compris que cet homme que je croyais redoutable était un tendre. Je voulais rappeler son passage sur notre terre le 30 décembre 2021, dix ans après son départ.  Mais, l’âge étant venu, je ne peux plus décider des choses. Des soucis de santé…

En 91, L’Anselme écrivait : « Le sérieux est aussi l’affaire des humoristes, mais ils ne le traitent pas avec componction. Le grave est aussi leur pain quotidien, toutefois ils ne le noient pas de larmes, ils préfèrent sourire. »

Comme pour Alain Bosquet, dans mon hommage, gentiment j’ai voulu copier sa désinvolture, et, autant que je pouvais, son esprit : le texte qui suit parut en 2014 dans le bulletin d’une association littéraire dont j’étais le président. Le style de cet hommage a surpris les lecteurs ; c’est que l’ami L’Anselme s’en est mêlé un peu : des phrases, des mots de lui sont venus tinter les paragraphes, donner à cette évocation émue une apparence de légèreté.  Mais se moque-t-on de la mort ?

Bonne route, Poète, sur les chemins de l’éternité ! Tu n’es pas mort. Il y a toujours un lecteur pour réveiller le souvenir de ceux qui écrivaient pour ne pas mourir.

(Cl. C.)

 

Tombeau de Jean L’Anselme

 

« L’humour noir, c’est prendre

la mort du bon côté » (Pierre Dax)

 

Si c’est de triste que l’on meurt, que le gai nous ensable !

Oui, Jean… Le temps est venu de liquider les stocks avant les soldes – tu sais : dans les brocantes et autres vide-greniers où s’emmmoisissurent, où s’empoussièrent, les livres abandonnés, une misère ! Livres aux feuillets jaunis, desséchés, des poètes, qu’on lisait si peu. Allons, un dernier rappel, pour toi, Jean,  qui savais si bien détourner les mots (quand la phrase joue la désinvolture pour étouffer le cri, épuiser la colère) et jeter négligemment, sur  le monde « élitiste et pédant » de la littérature, ton regard malicieux de lutin butineur. L’abeille plongée dans la fleur, le poète immergé dans la bêtise humaine pour en tirer de la beauté. Reverdy le misanthrope en  sourit sous sa dalle : une fleur, la bêtise ? Parfois… et le soleil d’un rire à vous décrocher les dentiers, quand on n’a plus vingt dents, disais-tu, ni reins beaux et des soucis vers l’aine.

Toi et moi, nous savions bien qu’un jour la mort viendrait laver tes mots, ces mots que tu plaquais, vert cru, sur le quotidien,  comme le vent les grands éclats de larmes de la pluie  dans les vitres. Avais-tu la foi ? Un jour, n’avais-tu pas écrit : un curé qui a une crise de foie me semble en aussi triste situation qu’un poète qui persévère ? Je veux penser que vous étiez attentif : avec l’Anselme, il fallait être sur ses gardes : relisez lentement, à haute voix. Et ne soyez pas fâché de mon conseil. Je vous l’ai dit : Avec ce poète il fallait faire attention. Comme lorsqu’on écoutait Raymond Devos.

Je t’entends, tu t’étonnes (Pourquoi toute cette clinquetaille ?), toi qui chassais la blague accrochée à la page comme… une balançoire au nuage, affirmant à qui voulait l’entendre que  les côtes seraient moins dures à monter si on les prenait dans l’autre sens.

Voilà que tu t’éloignes, silhouette paisible, souple, féline, sans te retourner, que tu t’effaces dans les lointains de l’écriture, gommant, d’une grosse vanne à en tomber sur le cul, la solitude de l’homme. et que tu te retournes, affirmant d’un sourire mesuré qu’écrire con n’est pas si simple, mais qu’il ne faut pas laisser un con au repos, sinon il se prend pour le roi.

Ton sourire qui « (tutoyait) le monde entier sauf la mort », ta poignée de main, douce, molle, amicale, de gamin aux cheveux blancs (je me souviens, à Angers, ce jour-là), et ta voix, une voix sereine, habile cependant à réveiller les pierres, gravante, insinuante… Comment vas-tu, Jean de la lune ?  Dis, comment va le monde ? Nous sommes tous deux athées, serrons-nous la cuiller. Quand nous mourrons, nous ne saurons pas si Dieu existe.

Nous ne serons plus que des ombres, pitoyables, dans l’éternité, assis à notre table de quêteurs de bonheur, je te verrai encore, ouvrant le Livre. Celui de la dernière foulée, chez l’ami Rougerie (Liquidation des stocks avant fermeture, Editions Rougerie, juin 2012). Livre posthume, on dit. Qui se rit de la Faucheuse ! Et…

« Pour combattre la mort, faisons la grève de la fin », proposais-tu, oubliant que les grèves s’arrêtent toujours !

Si c’est de triste que l’on meurt, que la joie nous ensable !

                                                                                       Claude Cailleau, printemps 2014

                                                                                                                                 

C’est plaisir de se pencher à nouveau sur les écrits d’un ami disparu. J’ai fouillé dans le désordre de mon courrier du siècle dernier. Retrouvé quelques lettres, hésité et choisi une dédicace à moi adressée sur le livre Pensées et proverbes de Maxime Dicton que l’auteur m’avait adressé au début de 1992.  Vous trouverez l’auteur tel quel, à cet humour désabusé (je crois) que je lisais dans son œuvre. Tenez…

« Ce n’est pas en taquinant le degré zéro de l’écriture qu’on arrive à faire des exquis mots glacés »

Quant à sa dédicace, dégustez-en l’humour…

 

 

Tombeau de Jean L’Anselme

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